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Tpe sur la chasse en corse
5 avril 2005

Le territoire réel et symbolique Hommes

Le territoire réel et symbolique

Hommes Territoires

Qu’y a-t-il de commun entre le solitaire et l’homme d’équipe, entre le piégeur de merles et le tireur de bécasses, entre celui qui attend le sanglier la nuit près d’une eau qui poursuit le mouflon dans la montagne ? Et puis il y a les anciens et les modernes, ceux qui célèbrent la tradition et ceux qui militent pour la transformation. Dans ce chapitre nous parlerons des hommes chasseurs, de leurs façons de se comporter, de s’organiser. Leurs conflits portent souvent sur le territoire. Car la chasse c’est peut être avant tout une affaire de territoire et de limites. Ou bien alors est-ce d’abord la confrontation avec le sauvage, ce monde de l’au delà que les mazzeri chasseurs d’âmes visitent pour nous.

« Pas légal, mais presque »

Le braconnage

« On abusait un petit peu »

  Disons d’abord que dans la région du Nebbiu, l’acception principale du mot braconnage conjugue un principe indigène, qui distingue entre la chasse désintéressée et le prélèvement à des fins commerciales, avec un facteur exogène : l’existence d’une interdiction imposée par l’Etat. Ce deuxième facteur ne justifie pas à lui seul l’emploi du terme en question, dans le sens, quoique prohibé par la loi, ne rentre pas dans la catégorie sauf lorsque la proie est expressément destinée à la vente. Il n’y a pas de quoi s’étonner si, dans le discours courant, le verbe « braconnier » indique avant tout la pratique dont le but lucratif est plus manifeste et l’activité répressive, quoique modeste, plus systématique.

L’usage courant du terme « braconnier » présente une connotation psychologique assez prononcée : pour juger du caractère d’une prise, on ne regarde pas l’acte en soi, mais plutôt les motivations qui l’on inspiré. Conforme à cette logique, mais plus lié à des considérations d’ordre moral, est le « principe de modération » : le chasseur agit en braconnier lorsqu’il se livre à des prélèvements immodérés. En revanche, un prélèvement modeste, illégal, ne rentre pas dans la catégorie, ou mieux, il se situe dans une position intermédiaire : ou celle du « pas légal mais presque ».

Les touristes

Non seulement l’étranger provoque la généralisation d’un braconnage réactif, pour ainsi le nommer (au sens où c’est justement lui qui  a commencé), mais en tant que touriste consommateur il encourage le prélèvement de gibier à des fins lucratives, en créant un marché là où, auparavant, il n’y avait qu’une utilisation privée.

Il va sans dire que la réponse aux « massacres » attribués aux étrangers contient des valeurs identitaires très prononcées. Le braconnage indigène, de ce point de vue, ne constituerait au fond qu’une forme d’autodéfense, une intervention préventive inspirée du raisonnement suivant : « si quelqu’un a le droit de détruire les ressources locales, c’est bien nous et personne d’autre ». Dans tout braconnier se cacherait un défenseur du territoire, un héros ethnique qui veille à assurer aux biens insulaires une destinée exclusivement corse, un combattant prêt à détruire ses propres richesses pour éviter qu’elles ne tombent dans les mains de l’ennemi. Son action équivaudrait à des principes qui inspiraient la mythique Terra di u cumunu (donc la liberté de prélèvement et de mouvement…) contre les vues monopolisatrices des nouveau venus.

La logique sportive comme incitation à la destruction du gibier

Ce phénomène mérite quelques considérations supplémentaires. N Elias et E Dunning, ont repéré dans l’idéologie sportive, qui s’est diffusé parallèlement aux règles du jeu parlementaire, un principe régulateur capable de freiner les incontinences ludiques de l’homme pré moderne. La chasse, telle qu’elle apparaît dans l’Angleterre du XVIIIe siècle (chasse stylisée, désintéressée,  « sportive ») est présentée comme un exemple du passage de la démesure d’autrefois à la sobriété d’aujourd’hui (de la violence  incontrôlée au respect pour les règles du jeu, l’autodiscipline, la modération).

En réalité, l’application de la logique sportive à une pratique traditionnelle, centrée, nous le répétons, moins sur la compétition entre les hommes que sur la confrontation homme/animal, finit ici par obtenir l’effet opposé, en déclenchant artificiellement une sorte de boulimie cynégétique qui oblige les partenaires à la surenchère.

Que l’esprit sportif appliqué à la chasse ait pour effet d’exacerber le braconnage, est un point de vue que même les organismes cynégétiques, quoique d’une façon hésitante, commencent à partager. Si en effet, dans la plupart des cas, le concept de « chasse sportive » est encore employé pour justifier et ennoblir le prélèvement, dans le bulletin n°XI de la Fédération Départementale des Chasseurs de Haute Corse nous pouvons lire :

« si la chasse, dans des temps reculés, était nécessaire à l’homme pour se nourrir et survivre, elle doit être considérée de nos jours comme un loisir, un délassement et non comme un sport. Je précise que dès qu’il s’agit d’un sport, il y a compétition, et de ce fait performance dans le tableau. Il nous faut donc, coûte que coûte, modérer nos prélèvements afin de laisser un maximum de géniteurs pour la saison suivante ».

Du maquis et des hommes

Bergers et chasseurs

Entre bergers et chasseurs, les conflits se multiplient. Le retrait de l’agriculture a libéré un vaste espace convoité par deux activités en quête permanente de terrains, et la lutte pour son appropriation tend à déterminer le rapport entre ces deux groupes d’utilisateurs du maquis.

Les bergers se plaignent des incursions fréquentes des chasseurs sur leur territoire, les accusent de repousser sans cesse leurs bornes, de ne plus connaître d’endroits protégés : « les chasseurs sont plus nombreux. Ils chassent davantage et ne connaissent plus ou ne respectent plus les limites ». Ce qu’ils redoutent le plus c’est la battue et son déploiement de force. Coups de feu, cris, aboiements dispersent les troupeaux. Et puis il arrive que des chiens perdus s’ensauvagent au point d’attaquer les bêtes. Alors parfois un berger excédé provoque la dispute.

Chasseurs et agriculteurs

Comme les bergers, les agriculteurs témoignent, vis-à-vis des « chasseurs modernes », d’une certaine animosité. Ils reprochent aux chasseurs un exercice trop intensif, mais surtout leurs intrusions sur le domaine agricole qui révèlent  « un manque de respect pour le travail »

et de rappeler un « avant » où la chasse se déployait autour des cultures, prête à intervenir pour protéger la vigne, le verger, le champ de céréales. Aucun lieu n’était interdit au chasseur, mais la circulation ou même la quête de gibier sur la culture se faisait avec le souci de ne pas occasionner de dégâts.

Chasseur, l’agriculteur l’était par force, pour protéger son bien. Mais il était aussi pour son plaisir.

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