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Tpe sur la chasse en corse

5 avril 2005

Aujourd’hui Aujourd’hui peut-on vraiment parler

Aujourd’hui

  Aujourd’hui peut-on vraiment parler d’intensification de la pratique ?

On peut dire que l’on chasse aujourd’hui davantage qu’hier. Les chasseurs sont en plus grand nombre, mais aussi ils pratiquent de façon plus intensive. Tous constatent le fait : les anciens qui le saisissent dans un discours critique sur le monde d’aujourd’hui, les chasseurs en activité qui avouent en le déplorant, « nous chassons trop », les fédérations de chasseurs dont le discours sur la nécessite d’une transformation de la pratique se construit sur la dénonciation de la répression accrue de la chasse. L’enquête confirme : partout on chasse davantage, partout le nombre de chasseurs a fortement augmenté, alors même que la population résidant dans les villages diminuait. «Sur les 250 habitants que comptait le village dans les années 50, l’équipe de battue réunissait une dizaine d’hommes ; aujourd’hui, la population résidente est divisée par cinq et la battue mobilise 3 équipes de 15 chasseurs chacune… » (Extrait  du livre La chasse en Corse). Accroissement du nombre de chasseurs, intensification de la pratique, concentration des forces sur les chasses collectives, particulièrement la battue au sanglier, telles sont les caractéristiques de la chasse moderne.

  C’est parce qu’ils ont du temps que les hommes chassent davantage, expliquent le témoignage des anciens «  pour eux, la chasse est un passe temps…facenu più nulla… tous sont retraités ou employés. Avant, il n’y avait qu’un employé municipal, le cantonnier. Aujourd’hui, il y en a 10. Ce qu’ils font, on ne sait pas, mais la battue, ils y vont ». On notera tout de même en passant le peu de cas que font les anciens de ces nouvelles professions réunies dans les catégorie « employés », et qui occupent à la ville et au village une partie des hommes d’équipe.

  Chasse loisir, chasse intensive, chasse de la masse, chasse collective, autant de traits qui font de cette chasse post agricole un objet privilégié de la critique des anciens qui y voient le symbole même de la rupture entre leur monde et celui d’aujourd’hui. Selon eux, il n’y a pas eu évolution mais cassure, et la transformation brutale du mode de chasser en témoigne.

Aujourd’hui, tout vient d’ailleurs. Ce qui est donné par la nature conserve une utilité mais n’a plus de nécessité vitale : on peut, en chassant, faire l’économie de l’achat de viande ; on n’a plus à compter sur la chasse pour se nourrir. On pourrait dire à propos de la chasse moderne que le modèle « festif » s’impose comme modèle banal dans l’économie de la consommation.

L’éthique et le respect

La chasse à l’affût au point d’eau, l’été, lorsque les sources sont taries et que les animaux n’ont plus de choix des endroits où boire, est l’objet de discours contraires où la question de l’éthique occupe une place centrale. D’apparition récente, cette question prend naissance dans le conflit entre anciens et modernes. Le reproche des anciennes portes, nous l’avons vu, sur l’intensification du prélèvement  dont ils accusent la chasse moderne logé dans les modèles sportif, écologique, le discours des modernes met en avant une éthique de la relation au gibier. S’opposant au mode de chasser traditionnel qui fait de la prise la préoccupation première, il insiste sur le respect de règles de conduite vis-à-vis de la proie : tir au vol, partage des chances, respects des dates d’ouverture et de fermeture de la saison etc.

   Dans le discours des vieux, on repère deux pôles. D’une part, il y a la tentation d’une reconstruction du passé aux normes aujourd’hui dominantes. Présentation d’un âge d’or où le chasseur se comportait en prédateur éclairé, soucieux des équilibres naturels, respectueux de la faune sauvage. La pratique traditionnelle aurait été inspire par les préoccupations aujourd’hui exprimées dans les discours éthiques ou écologiques.

  L’autre pole d’attraction du discours des anciens diffuse des représentations contraires : « on faisait ce que l’on voulait », » on chassait d’un bout de l’année à l’autre »,  « la loi, on ne connaissait pas », « on ne comptait pas ce qu’on prenait », mais ajoute t on aussitôt : « on prenait moins ».

Autrement dit, bien qu’il n’y eut aucune règle explicite, aucune prescription énoncée, le chasseur prélevait moins, simplement, affirme t on, parce que les conditions d’exercice de la chasse limitaient la prédation.

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5 avril 2005

Une activité menacée en Corse On ne considère

Une activité menacée en Corse

  On ne considère pas, dans l’île, que la chasse est menacée. Le sens commun tend au contraire à charger l’activité, telle qu’aujourd’hui on la pratique, de maux qui la désignerait, elle, comme une menace. Les chasseurs ne nient pas le développement de l’activité, sa massification, son intensification et l’accroissement incontrôlé de la prédation qui en résulte, ont eu pour effet de compromettre l’ordre des choses héritées, et notamment l’équilibre entre le village et la nature, tel qu’on le concevait, c'est-à-dire garantie par le travail permanent de contrôle des forces, en particulier celle que déchaîne la chasse. La critique plus virulente vient des chasseurs eux mêmes, des anciens, pour qui la chasse a rompu avec la tradition, mais aussi des responsables des fédérations qui, s’appuyant sur cette dénonciation, développent le thème de la nécessaire transformation des pratiques. « Il faut rééduquer les chasseurs », proclame la fédération de haute corse, en annonçant : « des actions dans les villages, les écoles pour réapprendre les principes de la chasse ». C’est donc du dedans même de l’activité que surgit les contestations, qui, peu à peu, s’étend hors de la chasse, chez ceux qui, utilisateurs de la nature, ont à subir les effets de l’emprise sur le territoire de chasseurs plus nombreux.

Inorganisées, individuelles, sporadiques, les manifestations sont néanmoins fréquentes et vives. Ici, c’est un berger qui s’en prend à un chasseur dont les chiens errent sur les pâturages ; Là, c’est un agriculteur qui proteste contre la circulation incessante sur ses terres ;

Ailleurs, c’est un résident qui repousse les chasseurs aux limites de son jardin. Nombreux sont ces incidents qui mettent au prise chasseurs et bergers ou agriculteurs ou encore promeneurs.

Quelque fois, c’est un accident qui vient témoigner d’une concentration excessive de chasseurs dans le maquis (et disent les anciens, d’un savoir faire appauvri) et provoque le conflit.

  La tradition est du coté de la critique, qui en fait la référence de ses jugements. Toute la légitimité dont elle est chargée et appropriée par les opposants, si bien que les chasseurs modernes ne peuvent en habiller leur pratique. Pour les chasseurs du sud ouest, confrontés à la contestation écologiste et à l’imposition de la réglementation européenne, la tradition,

Nous l’avons vu, constitue un thème central de leur défense.

Pourquoi tuer ?

  Il est étonnant de constater que pour répondre à cette question : « mais pourquoi donc tuez vous ? », le chasseur entamé toujours son plaidoyer par une dénégation : « je ne tue pas … »

Dit il et suit une énumération de ce qu’il ne tire pas : « les petits … les femelles pleines … »

Il explique aussi qu’il respecte une éthique et un plan de tir qui retienne encore son bras, bref, il commence par dire qu’il ne tue pas tant que cela, que sa violence est limitée,

Maîtrisée, domestiquée.

  A l’abattoir, la mort est cachée et la division du travail en diffuse la responsabilité.

Au village, l’abattage est l’affaire de spécialistes qui officient pour le compte des propriétaires des bêtes. Le geste qui enfonce, u broccu, dans le cœur du cochon est l’œuvre d’une main précise ; celui qui abat la masse sur la tête de la vache ou du taureau est l’œuvre d’un bras puissant. Le tueur est un technicien, son geste ne vaut pas appropriation de la mort.

Lui qui la donne ne la revendique pas ; le propriétaire qui arme sa main ne la donne pas.

  A la chasse, tout le sens est concentré dans la mise à mort, c’est au tueur que revient la part principale du prestige, de l’honneur. La mort est fêtée, célébrée, mise en scène : les gestes sur le corps de la bête, castration, saignée, découpe, s’ordonnent dans une sorte de spectacle

Où la participation des chasseurs et même des villageois est requise. Comment dans ces conditions expulser la mort de la chasse ?

  Comment écarter la mise à mort pour produire une définition de la chasse acceptable au regard des représentations écologiste et des protecteurs, variation sue le motif de l’harmonie ?

Début de la SPA

  « Intérêt économique, amélioration morale : les motivations de la protection des animaux sont essentiellement humaines. La domination de l’homme sur l’animal n’est pas remise en

Cause. Le végétarisme est dénoncé comme une aberration. Ce que le docteur Parisset veut bannir, ce n’est pas le travail, l’exploitation ou la mort de l’animal, mais la souffrance inutile, surtout si cette souffrance procure du plaisir à l’homme : « c’est la douleur qui est un véritable mal ; c’est l’ardente ou froide cruauté qui est un véritable crime ; c’est le crime qu’il faut épargner à l’animal qui le souffre et à l’homme qui se rend coupable ». Pour obtenir ce résultat, la SPA emploiera deux méthodes : « la persuasion, les encouragements, les récompenses », et la répression. Son objectif prioritaire sera l’obtention d’une loi protectrice.

Dans cette introduction au statut , le docteur Parisset a défini un model de protection qui laisse peu de place à la sensibilité , même si celle-ci parfois est valorisée , sensibilité que les protecteurs prennent toujours soin de distinguer de son excès , la sensiblerie , jugée elle négative et ridicule .

« Cependant, gardons nous bien, passant d’un extrême à l’autre, d’inspirer à l’enfant cette tendresse déplacée pour les animaux, qui pousse certaines personnes à donner à leur chien, à leur chat favoris les friandises les plus recherchées lorsqu’au même moment, elle refuserait peut être un morceau de pain aux malheureux qui frappe à la porte !

Une telle exagération est trop absurde, trop condamnable, pour que le bon sens a lui seul n’en fasse justice ».

Dominé par des considérations humaines , la protection des animaux au milieu du 19e siècle

s’ordonna autour d’un critère qui est à la fois sa justification et sa limite : L’utilité.

Tant que l’homme y trouve son intérêt, on protège l’animal, on ne le protège plus quand son travail, sa mort ou même sa souffrance deviennent nécessaire a l’homme. L’utilité  détermine, structure et borne la protection des animaux. L’ensemble des actions menées entre 1845 et 1848 respecte ce cadre utilitaire. La SPA s’est particulièrement intéressée à deux campagnes : l’une pour améliorer le transport et l’abattage des animaux en boucherie, l’autre pour réglementer la police des chiens. La première de ces campagnes correspondait parfaitement aux objectifs de la SPA, en effet, les animaux de boucherie et plus spécialement les veaux étaient transportés dans des conditions qui menaçaient d’altérer la qualité de la viande et provoquait dans la rue un spectacle effroyable.

Les enjeux

  « La chasse ou tout au moins ce qu’il en reste serait-elle devenue une compétition qui n’a d’ailleurs plus aucune analogie avec le sport tant le déséquilibre entre l’homme et le gibier devient de plus en plus flagrant au fil des années ?

Le gibier , déjà en butte à la disparition biotope , freiné dans sa reproduction  par l’emploie abusif d’herbicides et de pesticides peut-il encore supporter une traque de plus en plus intensive au seul profit de l’orgueil de l’homme exhibant ses tableaux comme si il s’agissait de trophées pris a l’ennemi ?

Notre génération ne doit elle pas a la sagesse de nos pères, pour qui la modération était une règle à respecter, le pouvoir d’exercer encore, mais combien de temps, ce que l’on aurai jamais du considérer comme une agréable détente ? L’expérience des années précédentes,

la déception enregistrée cette année, montre que la courbure ne cesse de décroître,

et qu’il est temps, qu’il devient urgent, de prendre des mesures restrictives avant que ne disparaissent certaines espèces qui constituaient il y a 10 ans à peine, le fond de la chasse,

et un réservoir jugé inépuisable.

L’improvisation, et surtout l’imprévoyance sont deux fautes qui ne pardonnent pas à ceux

Qui, fusil en main ne pensent qu’à détruire sans penser que le gibier ne reviendra pas d’un coup de baguette magique.

Se trompent, ceux qui prônent des ouvertures trop précoces, et des fermetures trop tardives,

ceux qui ne souhaitent pas deux ou trois jours de restriction par semaine.

Au train où vont les choses, on peut se demander ce que pourront chasser les jeunes de la génération actuelle dans quelques années ; ne deviendra t-il pas urgent de dégager entre jeunes et anciens un consensus, une compréhension mutuelle de la gestion du peu de gibier qu’il reste encore et qu’il importe de sauver à n’importe quel prix.

L’enjeu est de taille ; unissons nos efforts pour sauver notre mise ».

5 avril 2005

La chasse sur le plan naturel Ayant constaté à

La chasse sur le plan naturel

                                             

  Ayant constaté à leurs dépens que le discours écologiste tend à s’imposer comme discours dominant, les chasseurs, renonçant à s’y opposer, s’emploient plutôt à en envelopper leurs arguments.

La défense de leur activité menacée passe par une appropriation des définitions et catégories qui s’installent dans le sens commun désormais façonné par le discours écologiste. Ainsi, loin de contester la pertinence du discours de la protection, les chasseurs font leurs ses griefs.

La stratégie est celle de l’esquive : il s’agit de refuser la place dans la catégorie repoussoir des destructeurs qui leur y est réservée, et de détourner vers d’autres le doigt qui les désigne.

La responsabilité de la dégradation de l’environnement naturel revient, selon eux, à « la civilisation industrielle et urbaine », « dévoreuse d’espace et dévastatrice ».

  Au discours écologiste qui les installe dans un rôle de déprédateurs, les chasseurs opposent une division entre utilisateurs « naturels » de la nature – ruraux, producteurs, chasseurs – et un monde industriel et urbain dont la logique de développement induirait le rétrécissement et la pollution l’espace naturel. Et, face à la menace qui pèse sur le sauvage, ils en appellent à l’union : « si il n’y a jamais eu une époque ou la constitution d’un front commun d’agriculteurs, de forestiers, de pêcheurs, de chasseurs et d’autres protecteurs raisonnables de la nature et de la faune, était nécessaire, cette époque a maintenant débuté. On notera cette catégorie « autres protecteurs » à laquelle appartiennent sans doute les écologistes, et qui les identifie comme partenaires adjoints, dont la légitimité ne relèverait pas comme pour les autres catégories du droit naturel, de l’héritage.

A l’image d’une chasse destructrice, le discours des chasseurs oppose celle d’une chasse régulatrice, « élément naturel de la vie sauvage », participant à l’équilibre de l’écosystème.

Le chasseur est certes un prédateur, reconnaît-on,  mais il est, comme l’animal, un prédateur naturel, nécessaire à l’équilibre de la vie sauvage. Si il n’y avait pas la chasse, explique t-on, certaines espèces se reproduirait à un rythme excessif, au détriment d’autres espèces, mais aussi de l’agriculture, de la sylviculture et de la pisciculture. Le chasseur n’est donc pas cet intrus que dénoncent les écologistes, il appartient au monde sauvage. Ainsi la chasse peut être présentée comme « un instrument de protection de l’environnement », et le chasseur comme un occupant naturel indispensable des lieux.

« Chasser c’est naturel » devient le mot d’ordre. Le problème n’est plus, pour les responsables, comme aux premiers temps de la contestation écologiste, d’enjoindre les chasseurs à rationaliser leur pratique, à contrôler leur prélèvement, à gérer les ressources faunistiques ; il est d’imposer la définition d’une chasse écologique participant à la gestion scientifique de l’espace naturel.

  En même temps, de cet acte d’allégeance à l’autorité légitime incarnée dans la science, ils espèrent tirer le profit symbolique que l’on accorde d’ordinaire à ceux qui, après que la vérité leur a été révélée, rejoignent le droit chemin.

  Cette présentation de la chasse moderne ne convint pas les écologistes , qui font observer qu’entre la parole qui empreinte à l’écologie et les pratiques attestées, l’écart ne fait que croître. Et de s’interroger sur la sincérité de ce discours qui leur semble avoir pour fonction de masquer la réalité des pratiques et la faiblesse du travail de transformation : on est bien

loin, disent-ils, du « modèle écologique » puisqu’on est pas encore au « model rationnel » qui le précédait dans le discours officiel.

  L’enjeu de la lutte, c’est la maîtrise d’un territoire, considéré par les chasseurs comme propriété reçue en héritage. Les nouveaux usagers ruraux ou citadins de la nature revendiquent leur place dans cet espace, produisent de nouvelles définitions, de nouvelles pratiques qui viennent heurter celles des chasseurs, et engagent une lutte pour leur expulsion ou du moins leur cantonnement.

  Et le chasseur a beau réaffirmer son droit de propriété, il lui faut négocier, car le monde paysan qui fondait son pouvoir sur les lieux s’effondre. Et le système de pratique et de représentation dans lequel la chasse prenait sens, et qui fait que sa part et qui faisait de la part sauvage de la nature son bien propre, se dissout, tandis que d’autres représentations, d’autres usagers s’imposent. La nature devient aire de promenade, de jeu, terrain d’observation ; la faune devient capitale à préserver, l’ensemble prend le nom d’écosystème.

La définition même de cet espace échappe aux chasseurs, qui fait figure d’élément perturbateur d’un monde que l’on se représente comme le règne de l’équilibre et de l’harmonie.

  Le chasseur, menacé d’expulsion, doit travailler à recouvrir une légitimité, modifier sa pratique et son discours pour les rendre acceptables au regard des normes produites par un discours intégrant ces nouvelles définitions. Pour résister il lui faut recomposer au plus près des représentations dominantes d’une identité fabriqué à partir de priorités incontestables dans l’univers symbolique écologiste : le rappel de l’ancestralité de la chasse, le droit naturel qui confère l’origine et la résidence ne suffisent plus, « d’où la situation de contradiction d’une pratique obligée de se justifier selon des valeurs étrangères à sa logique : les chasseurs doivent intégrer dans les images d’eux même qu’ils donnent à l’extérieur et dans celles qu’ils intériorisent, les préoccupations de la gestion éclairée d’un patrimoine (prédation rationnelle, contemplation éclairée du spectacle de la nature…). Ces valeurs esthétiques du spectacle naturel et économie des ressources naturelles, sont profondément étrangères aux valeurs d’abord éthiques qui font le prix de la chasse populaire pour ses participants.

La chasse sur le plan traditionnel

  A l’opposition écologique s’ajoute celle de défense des animaux qui, affirmant un droit des bêtes pensé sur le model des droits des hommes, réclament la condamnation des actes de violence à leur égard.

  La préoccupation de ces mouvements est moins de contraindre la chasse à relâcher son emprise sur la nature, pour laisser place à d’autres modes d’appropriation et de gestion, que d’obtenir l’interdiction pur et simple de la chasse définie comme « légalisation de l’acte de tuer ». C’est au nom d’un principe moral qu’est exprimé la condamnation. Et la chasse n’est pas seule en cause, la tauromachie, les combats de coq, la vivisection, toutes les pratiques pour le profit ou le plaisir des hommes, impliquent ou mettent en scène la mort de l’animal sont rangés dans la catégorie du crime. Et ce que la morale oblige à réprouver, la loi, proclamant ces défenseurs des animaux, doit l’interdire.

  Le questionnement des sociétés sur le rapport aux animaux n’est pas nouveau, et bien des thèmes, développés par les mouvements de protection contemporains ont depuis longtemps fait l’objet de débats philosophiques et juridiques. Au 19e siècle existaient déjà des associations de protestation contre la vivisection. Au concours de l’Institut, en 1802, il était demandé si les mauvais traitements envers les animaux « intéressaient la morale publique » et « si il convenait de faire des lois à cet égard ». Valentin Pelosse, analysant les mémoires des candidats, met en évidence l’émergence d’un imaginaire social influencé par les Lumières, qui propose la représentation d’un animal comme êtres sensibles, que l’homme, sensible et éclairé, doit protéger des mauvais traitements.

  Sont condamnés les comportements violents des charretiers à l’égard des chevaux, l’horreur des abattoirs, les jeux cruels (combats de chiens et de coqs), la vivisection et, bien entendu, la chasse. « Car, peut-on, sans passer pour un barbare, trouver du plaisir à faire mourir un animal ? ». La chasse qui, sous le point de vue de fournir son moteur de gibier et de détruire les animaux malfaisants est un acte naturel et légitime, se change en barbarie dès qu’elle dégénère en passion. « Il ne devrait y avoir qu’une espèce de chasse qu’on rendit honorable, celle des bêtes féroces : elles sont en guerre contre la société, il est donc permis de la leur faire ». La condamnation morale des mauvais traitements envers les animaux, s’applique à la chasse, rangée dans cette catégorie dès lors qu’elle se détache de ses fonctions économiques – subsistance, protection – pour devenir activité dont on tire plaisir. « La légitimité du sacrifice animal, une fois la part faite aux déclarations conjuratoires, n’est pas remise en cause dans la mesure où elle est nécessaire à la survie physique de l’humanité. Ce qui est jugé condamnable, c’est le glissement hors du domaine de l’utile, la réapparition du cruel gratuit, spectaculaire. Le meurtre des bêtes doit devenir en quelque sorte invisible ». C’est en 1850, sous la seconde république,  qu’est votée la loi Grammont, première loi française réprimant les mauvais traitements exercés publiquement envers les animaux domestiques :

« article unique : seront punis d’une amende de 5 à 15 francs et pourront l’être d’un à cinq ans de prison ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques. La peine de prison sera toujours applicable en cas de récidive. L’article 483 du code pénale sera toujours applicable ».

  La cause des défenseurs des bêtes a-t-elle progressée au 20e siècle ? Désormais, le sens commun reprouve la violence à l’égard des animaux. Le discours dominant a intégré les définitions de protecteurs et surtout des activités aussi encrées dans la tradition que la chasse ou la tauromachie, sont l’objet d’attaques frontales de la part des mouvements organisés, suffisamment forts pour oser cette confrontation.

  Cette évolution reflète la transformation d’un rapport social sur les animaux autrefois établi sur la nécessité d’une utilisation intensive de nombreuses espèces à des fins de subsistance ou de labeur.

  Le rapport paysan aux bêtes supportait la représentation d’un animal, genre inférieur, voué à la domination et à l’exploitation, dont les mauvais traitements apparaissaient comme l’instrument et le signe. Le rapport était d’opposition, la rudesse des comportements marquait la distance irréductible entre les genres.

On considérait l’animal pour ce qu’il valait, ce qu’il procurait comme ressource, comme force de travail. Les espèces domestiques, qui souvent résidaient dans le même espace que l’homme, alentour de la maison, place, cave, étaient tenu à distance par des conduites, des gestes qui marquaient la séparation et la hiérarchie.

  L’enfant ou le chasseur entretenait avec le chien une relation de compagnonnage que cependant il convenait pour l’adulte de recouvrir pudiquement de signe de rudesse. Et cette relation particulière ne constituait pas le model sur lequel était réalisé le rapport banal et normal du genre animal.

  On tue aujourd’hui d’avantage d’animaux qu’autrefois, pourtant, cette réalité de la domination et de la mort n’existe plus dans le rapport à l’animal tel qu’il est représenté par le sens commun. Le model paysan fondé sur un principe de séparation anthropologique entre genres, laisse place à un model « civilisé » qui fait de l’animal un compagnon, un ami, un égal de l’homme. L’une des conditions d’élaboration et d’imposition de ce model est le rejet hors société des lieux où s’exerce la violence de l’homme au dépend des bêtes. Hors de vue,

hors discours, la mort socialement nécessaire de l’animal est expulsée du champ du rapport social au genre, et c’est dans l’ignorance résultant de ce travail que peut exister le discours d’opposition aux formes secondaires mais spectaculaires de la domination de l’animal. Car ce qui est en cause dans le discours des protecteurs, ce n’est pas l’exploitation et la mort des bêtes, c’est sa vision, plus encore, son spectacle, et s’est aussi qu’elle puisse procurer du plaisir. La mort donnée par la chasse est de l’ordre du plaisir, du rituel ; de la production de sens. Celle des abattoirs est silencieuse : confié à la rationalité scientifique, elle disparaît sans laisser de sens.

  L’abolition de la frontière entre genres produit l’indifférenciation. Les animaux de compagnie sont bien souvent des membres à part entière de la famille. Ils forment une nouvelle catégorie du genre humain et ceux qui ne peuvent rentrer chez l’homme sont renvoyés à un monde naturel, idéalisé, placé sous la protection éclairée des meilleurs d’entre les humains. D’ailleurs la qualité d’homme doit se prouver dans la relation à l’animal.

Celui qui n’aime pas les bêtes n’aime pas les hommes, affirme le protecteur. L’animal est représenté comme un être sans défense, à la merci de la puissance destructrice de l’homme.

  La seule raison légitime que concède à la chasse le discours des amis des bêtes est la nécessité de se nourrir. La mort de l’animal ne peut trouver justification que dans l’obligation pour l’espèce humaine d’assurer sa survie. Mais puisque le temps où elle était nécessaire à la subsistance est révolue, la chasse n’a plus de raison, et la concession se transforme en une condamnation redoublée des chasseurs moderne. Si la chasse, c’est « tuer pour se nourrir », pourquoi continuer de chasser dans un temps d’abondance de bien ? Et les chasseurs, qui ont accepté cette définition d’une chasse utile « acte biologique » sont sans réponse et se voit se diriger vers des divans de psychanalystes. Si l’on ne tue plus pour manger, pour quel motif obscur continue-t-on à tirer sur les animaux ?.

  Or pour dire la chasse, il faut dire le plaisir de tuer. Et, comment dans un champ de représentation de dominer par cette idéologie de protection qui fait condamner la chasse par la morale, revendiquer le plaisir de tuer ? Les chasseurs n’ont pas de mots. Alors ils biaisent, cherchant de tous cotés des explications valables à leur activité : Ils invoquent la nature, les petits matins brumeux… mais la question revient avec plus d’insistance encore à mesure que ces raisons sont balayées. Pourquoi tuer ? Ne peut-on pas goûter aux plaisirs de la nature sans fusil ?.

5 avril 2005

Une activité contestée Partout en Europe

Une activité contestée

  Partout en Europe l’exercice de la chasse se heurte à de vives oppositions : la chasse est devenue un enjeu de lutte, et tandis que les manifestations des mouvements anti-chasse se multiplient, les chasseurs se mobilisent à leur tour pour organiser leur défense.

  La transformation de la structure et de l’espace politico juridique, et l’apparition d’une instance nouvelle, l’Assemblée Européenne, se substituant de fait aux gouvernements nationaux en matière de réglementation de la chasse, ont modifié le champ de l’affrontement des forces antagonistes. Jusqu’alors, les chasseurs disposaient de voies d’accès rapide aux instances législatives et exécutives, de sorte que leurs intérêts étaient vite bien défendus. Le système politique français dans lequel les zones rurales bénéficient d’une représentation surévaluée, offrait aux chasseurs un territoire de longue pratique avait fini par aménager, voir domestiquer. Les élus locaux, défenseurs naturels de l’activité, se mobilisaient au premier signe et s’appliquaient à « faire monter » les revendications des chasseurs.

Chasser allait de soi, et défendre la chasse révélait du réflexe anthropologique.

L’institut du pouvoir Européen, hors et loin des réseaux par lesquels jusqu’alors passait la voix des chasseurs et parfois leur pression, et donc immédiatement inappropriable, fut perçue comme une menace, d’autant plus que très vite se manifesta une convergence de points de vue entre le pouvoir nouveau et les mouvements écologistes. En effet, au contraire des chasseurs, ancrés dans le local, défenseurs du particularisme, représentant d’un « terroir », les écologistes s’intéressaient à un  territoire-monde, l’écosystème de la planète.

Et cette représentation du monde en espace politique unifié (la politique consistait à gérer cet écosystème au plus près des prescriptions de la science), s’accorde à celle du territoire continent dans laquelle la nouvelle autorité Européenne installe son pouvoir.

  Devant l’impossibilité d’investir cette institution nouvelle, d’y ancrer leurs réseaux, de constituer des circuits permettant l’accès aux lieux de décision, les chasseurs sont contraints de redéfinir leurs modes d’intervention. Les voilà dans la rue, vociférant à la façon de tous les protestataires, cherchant à mobiliser leurs masses, élaborant des stratégies pour imposer un rapport de force favorable. Ces occupants naturels du territoire républicain sont, tout à coup, dans l’espace Européen, rejetés à la marge. La production de la réglementation leur échappe; leurs interlocuteurs d’aujourd’hui, « technocrates » insensibles aux charmes du terroir, n’entendent guère leurs raisons, et il leur faut désormais les crier bien haut. Les affaires de la chasse ne se décident plus entre gens de même compagnie, de même culture, qui se comprenent à demi-mot. Elles se traitent dans la confrontation entre adversaires, dans la polémique, dans la négociation « sur dossier ». Et les chasseurs qui, hier encore, forts de leur ancrage dans la société, de leur pouvoir dans les institutions, regardaient d’un air un peu amusé les manifestations d’opposants, prennent aujourd’hui leurs places dans la rue et dans les meetings de campagnes électorales.

  Dans la contestation de la chasse, convergent deux mouvements aux origines et à l’inspiration différentes. Le mouvement écologiste inscrit l’opposition à la chasse dans une démarche de préservation d’une nature représentée comme un bien collectif menacé par un développement agressif des activités humaines. La chasse est, l’une parmi d’autres, de ces agressions qui mettent en péril la reproduction d’un espace naturel conçu comme un monde à préserver, et donc on se fixe pour mission de rétablir l’équilibre. Les écologistes revendiquent un droit pour la nature et contestent le rôle de la casse dans l’appropriation et la gestion de l’espace naturel.

Dans un monde rural en perte de vitalité sociale, de plus en plus annexé aux centres urbains, les chasseurs interprètent cette intrusion dans leur territoire comme une tentative de dépossession de ce qu’ils considèrent comme une propriété et un droit liés à leur identité paysanne.

Un autre mouvement mobilise ses forces contre les chasseurs et s’oppose parfois violement à leurs pratiques.

Ce mouvement, qui s’intéresse spécifiquement à la défense des animaux, conteste radicalement la chasse, puisqu’au nom d’un droit de l’animal, il réfute la légitimité de l’acte de tuer : luttes contre la vivisection, le massacre des éléphants et bien sur la chasse (surtout la chasse traditionnelle) ; ce mouvement conteste non pas les abus de la chasse mais son principe même et vise à l’interdiction pure et simple de son exercice

5 avril 2005

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5 avril 2005

Les évolutions liées à la société de consommation

Les évolutions liées à la société de consommation

Un commerce généralisé

  C’est sur ce model d’une activité rémunératrice, associée dans un rôle de complément à d’autres activités que tend à se développer de nos jours une chasse que nous qualifierons de commerciale que de professionnelle. En effet, la vente de gibier, qui conférait un statut de professionnel à qui la pratiquait, tend à se généraliser, de telle sorte qu’elle ne distingue plus un groupe de spécialistes. Le marché s’est ouvert à des espaces nouveaux , ses réseaux se sont implantés bien loin des villes, au milieu même de l’espace central villageois structuré par l’échange  don contre don. Le nombre de vendeurs de gibiers s’est accru.

  Dans l’économie villageoise de poly-activité, qui combine le reste de production agro-pastorale ou des formes hybrides issues de croisements entre les activités de production traditionnelles travaillées par le marché et des formes modernes redéfinies aux normes sociales villageoises coexistant – et d’autres activités (artisanat, travail salariés) ou d’autres sources de revenus (pensions, retraites), la chasse apparaît comme un élément constitutif de la structure du système. Nombreux sont désormais des villageois qui comptent sur la chasse pour assurer une partie de leurs revenus. Ce villageois n’hésite pas à dire qu’il a trois métiers : maçon, éleveur et chasseur. On peut donc penser que dans le processus de déstructurations – restructuration de l’économie villageoise, la chasse, hier activité annexe dans le système  de subsistance, devient, à mesure que le marché affiche son intérêt pour ses produits, une activité de production, complémentaire au plan des ressources, mais essentielle au plan de l’organisation du travail. Dans la composition des activités élaborées dans chaque village, chaque famille, la chasse a sa place : elle rempli le congélateur et apporte de l’argent en supplément.

  Est-ce réaction à une circulation par la vente, qui, en se banalisant, tend à concurrencer sur son terrain même la circulation par le don, le discours de la réprobation se fait plus virulent qu’il ne l’était hier lorsque cette pratique était circonscrite à un cercle bien délimité de professionnels « autorisés ». Ceux-ci n’étaient certes pas à l’abri de la critique : on les suspectait de ne pas respecter les règles de conduites auxquelles ils affirmaient se conformer, et par lesquelles l’activité pouvait se conformer sous la forme acceptable d’une pratique sous contrôle. Le vendeur de gibier qui en soustrayant à la communauté ce qu’elle considérait comme son bien pour en retirer un profit personnel, se plaçait hors d’elle, était représenté comme un déclassé, un marginal. Cependant le village travaillait à se réapproprier cet individu qui avait échappé à sa loi et à le replacer sous son autorité. Il se donnait une explication valable de la transgression, de façon à minimiser son contenu subversif.

On trouvait dans la misère, dans la nécessité, de bonnes raisons à celui qui chassait pour vendre. En fait, la chasse professionnelle était considérée comme une sorte d’expédiant, recours ultime pour ceux qu’un sort contraire avait jeté hors du destin commun.

  Et puis la communauté tâchait de définir une utilité sociale au chasseur professionnel : on lui confiait l’organisation de la battue, on le sollicitait pour protéger les cultures, on lui prenait une part de son gibier, on lui demandait d’élever un chien, ses exploits nourrissait l’imaginaire des chasseurs, son savoir faire, servait de référence, ses démêlés avec les gendarmes fournissaient un thème de conversation… De l’extérieur aussi on l’interpellait, non seulement pour acheter son gibier, mais aussi pour utiliser ses compétences de grand chasseur.

  Les quelques spécialistes qui, de la chasse, faisaient leur métier, ont fait place à une multitude de chasseurs vendeurs qui, sans être des professionnels, échangeaient contre de l’argent leurs prises. Ainsi la vente du gibier se généralise t-elle ; le marché, hier concentré en quelques lieux, s’étend. Les chasseurs qui ne vendent pas leur gibier, et qui sont les plus nombreux, s’inquiètent de ce que cette chasse intéressée exerce une pression accrue sur la faune. Le développement du commerce suscite un mode de prélèvement intensif, libéré de tout contrôle éthique et social, qui met en relation directe des chasseurs producteurs de viande et le marché.

  De plus, une concurrence s’instaure entre chasseurs, qui redouble de pression. Ainsi disent les chasseurs, qui dénoncent tout à la fois le caractère agressif et « anarchique » d’une pratique qui ne reconnaît plus aucune loi, ni celle de la nature, ni celle de la communauté, et l’appropriation individuelle et privée du gibier que ce commerce induit.

5 avril 2005

Chasse, territoire et religion Etat sauvage ou

Chasse, territoire et religion

Etat sauvage ou processus d’ensauvagement

 

Dans la période d’entre les deux guerres, la « destruction d’animaux domestiques devenus dangereux et malfaisants » a donné lieu à de multiples controverses entre l’Administration, servie par les préfets, et les villageois, représentés par leurs maires. Or, les propos tenus par ces derniers expriment clairement deux conceptions différentes d’un état sauvage considéré comme l’aboutissement d’un  processus d’ensauvagement. A l’origine de cette polémique : des divergences d’opinion quant au statut à accorder aux animaux domestiques que des comportements brusquement modifiés situent en rupture avec leur environnement habituel, motivant chez les habitants des réactions de défense et de protection. Ces animaux considérés comme « ensauvagés » sont associés par les villageois aux bêtes sauvages. Ces animaux qui, pour certains, sont passés de la relation la plus familière à l’agression la plus violente, font parfois preuve d’une habilité jugée quasi diabolique.

Aussi, la spécificité de la nature sauvage du sanglier, c'est-à-dire la façon dont est conçu le rapport sauvage/domestique à travers cette espèce et ses différents avatars. En effet, les chèvres ensauvagées habitent les montagnes sans être autochtones ; elles ont changé d’espace et de comportement mais ne sont pas liées par un lien organique à leur environnement comme les sangliers. Sangliers et cochons sont, les uns comme les autres, des produits de leur environnement et, dans ce cas, la coexistence de deux variantes, sauvages et domestiques, d’une même espèce, possède de toutes autres implications écologiques, exprimant à la fois une différence de nature entre les deux univers et un lien continu de l’un à l’autre. C’est cette différence et ce lien que les hommes, dans leurs fonctions d’éleveurs comme par leurs actes de chasse, s’efforcent de maîtriser.

Les rôles de la chasse

A chaque sanglier sa chasse : alors qu’une chasse solitaire héroïque est offerte au vrai sanglier sauvage, c’est une chasse moins élitiste que l’on réserve à son homologue bâtard, une chasse de battue qui rassemble les chasseurs dans le but d’encercler, de forcer et de tuer les sangliers en grand nombre.

Ce mode de chasse obéit au principe général de la chasse au tir qui décompose l’action en deux phases, auxquelles correspondent deux rôles distincts : les mises en mouvement du gibier, c’est le rôle des rabatteurs et des chiens et sa mise à mort, c’est le rôle des tireurs postés, les « tueurs ». Cette séparation pourrait être justifiée par la complémentarité des deux fonctions, fondant l’unité du groupe dans l’action ; mais en fait, cette complémentarité, effective aussi dans la chasse individuelle (entre un chasseur et son chien), ne fait que rendre possible une pratique collective sans en constituer un caractère propre. Il faut chercher ailleurs une explication à cette prescription, l’une des plus respectées de la chasse au sanglier.

L’ethnographie des sociétés exotiques a identifié depuis longtemps le rôle de traqueur comme un rôle « d’auxiliaire de chasse », destiné aussi bien à mener le chasseur au gibier, dont les chiens ont connaissance, qu’à le protéger d’une éventuelle action vengeresse de la part de l’âme de l’animal tué. Mais qu’en est-il d’une telle médiation dans un contexte différent ?

En Corse, les chasseurs ne craignent pas que leur personne soit soudain saisie, d’une façon ou d’une autre, par l’âme du gibier mort ; mais, distinguer la fonction de mise à mort de celle de la traque et réserver celle-ci aux chiens, c’est aussi, bien qu’en d’autres termes, affirmer cette double nécessité : participer à la nature animale du gibier pour s’y identifier et s’en démarquer pour le mettre à mort. C’est dissocier l’animalité de la violence et faire de l’acte de tuer un acte humain.

Les rapports de force

  Lorsque les chasseurs se regroupent pour aller aux sangliers, ils assurent alors collectivement une double charge : chercher de la nourriture et protéger les espaces communautaires traditionnels. Ou plus exactement, ils se procurent ensemble une nourriture destinée, par le partage qui en fait, à constituer rituellement leur groupe, mais de façon à ce que cet acte d’acquisition soit aussi un acte de violence légitime, légitimée par la position d’agressée qu’ils occupent alors pratiquant collectivement une technique d’acquisition violente, ils activent les frontières du terroir (et donc les rivalités entre village mitoyens), mobilisant ainsi les forces politiques au village même (puisqu’une communauté villageoise se défini politiquement au sein d’un ensemble de villages).

  En corse, en général, les chefs de battue exercent une forte autorité, soutenu par un charisme qui s’exprime bien au delà du domaine de la chasse. Une équipe de battue se présente plus comme un regroupement d’hommes autour d’un chef (ou d’un groupe de frères) que comme une association démocratique.

  Côté chasse, la « menace » est la même : les frères sont les seuls à posséder une meute de chiens courants pour le sanglier, une meute qui leur permet de contrôler à eux seuls tout le territoire de la chasse de l’équipe, et qui représente aux yeux de tous au village, l’emblème de cette maîtrise .

Un acte de fête

  Pour chasser le sanglier, les hommes se regroupaient à quelques uns (de 3, 4 à 8, 10 environ), plutôt entre parents. Ils ont gardé de cette chasse déjà ancienne le souvenir de cette fête, la célébration de leur association, de l’unité de corps qu’ils formaient et instituaient par la communion au foie du sanglier tué.

  La fête est une pratique de la chasse occasionnelle et régulière, elle tend à l’écart de celui, quotidien , du travail ; c’est l’amitié dans le groupe des chasseurs et l’hospitalité pour ceux de l’extérieur .

  Une pratique qui prend son sens en fonction des activités liées à la consommation du cochon et qui trouvait aussi sa place dans le calendrier des rites religieux accompagnant plus particulièrement les fêtes de Pâques. Un rite.

  En se réunissant pour « faire la fête » de façon régulière et limitée dans le temps, une fois par semaine, le samedi ou le dimanche, les chasseurs situaient eux même leur battue en relation directe avec le rituel de la liturgie catholique, et peut être en rivalité avec lui.

  A la célébration religieuse de la mort du Christ, prise en charge par l’Eglise, ils opposaient ainsi une autre célébration mortuaire, celle du sanglier, réelle, profane et collective celle-ci.

Et si ils allaient « tuer les sangliers » presque toute l’année, les temps forts de leur saison de chasse correspondait à ceux de la liturgie : les fêtes de Noël surtout celles de Pâques et tout particulièrement le Vendredi Saint.

  En Corse, la mort du Christ est célébrée par l’Office des Ténèbres le Jeudi soir et non le vendredi : l’office du Vendredi Saint commémore le séjour du Christ aux Enfers, parmi les morts précédents son triomphe sur la mort elle même, et sa Résurrection.

  Aller tuer des sangliers ce jour là en groupe rituellement constitué, c’est en quelque sorte, doublé de façons profanes le rite religieux ; c’est effectuer dans l’espace sauvage le trajet accompli par le Christ dans celui des morts ; c’est aller affronter, de façon ostentatoire et bruyante, avec grande démonstration de force, une mort incarnée dans la bête sauvage agressive ; c’est un peu aller tuer la mort.

5 avril 2005

Le territoire réel et symbolique Hommes

Le territoire réel et symbolique

Hommes Territoires

Qu’y a-t-il de commun entre le solitaire et l’homme d’équipe, entre le piégeur de merles et le tireur de bécasses, entre celui qui attend le sanglier la nuit près d’une eau qui poursuit le mouflon dans la montagne ? Et puis il y a les anciens et les modernes, ceux qui célèbrent la tradition et ceux qui militent pour la transformation. Dans ce chapitre nous parlerons des hommes chasseurs, de leurs façons de se comporter, de s’organiser. Leurs conflits portent souvent sur le territoire. Car la chasse c’est peut être avant tout une affaire de territoire et de limites. Ou bien alors est-ce d’abord la confrontation avec le sauvage, ce monde de l’au delà que les mazzeri chasseurs d’âmes visitent pour nous.

« Pas légal, mais presque »

Le braconnage

« On abusait un petit peu »

  Disons d’abord que dans la région du Nebbiu, l’acception principale du mot braconnage conjugue un principe indigène, qui distingue entre la chasse désintéressée et le prélèvement à des fins commerciales, avec un facteur exogène : l’existence d’une interdiction imposée par l’Etat. Ce deuxième facteur ne justifie pas à lui seul l’emploi du terme en question, dans le sens, quoique prohibé par la loi, ne rentre pas dans la catégorie sauf lorsque la proie est expressément destinée à la vente. Il n’y a pas de quoi s’étonner si, dans le discours courant, le verbe « braconnier » indique avant tout la pratique dont le but lucratif est plus manifeste et l’activité répressive, quoique modeste, plus systématique.

L’usage courant du terme « braconnier » présente une connotation psychologique assez prononcée : pour juger du caractère d’une prise, on ne regarde pas l’acte en soi, mais plutôt les motivations qui l’on inspiré. Conforme à cette logique, mais plus lié à des considérations d’ordre moral, est le « principe de modération » : le chasseur agit en braconnier lorsqu’il se livre à des prélèvements immodérés. En revanche, un prélèvement modeste, illégal, ne rentre pas dans la catégorie, ou mieux, il se situe dans une position intermédiaire : ou celle du « pas légal mais presque ».

Les touristes

Non seulement l’étranger provoque la généralisation d’un braconnage réactif, pour ainsi le nommer (au sens où c’est justement lui qui  a commencé), mais en tant que touriste consommateur il encourage le prélèvement de gibier à des fins lucratives, en créant un marché là où, auparavant, il n’y avait qu’une utilisation privée.

Il va sans dire que la réponse aux « massacres » attribués aux étrangers contient des valeurs identitaires très prononcées. Le braconnage indigène, de ce point de vue, ne constituerait au fond qu’une forme d’autodéfense, une intervention préventive inspirée du raisonnement suivant : « si quelqu’un a le droit de détruire les ressources locales, c’est bien nous et personne d’autre ». Dans tout braconnier se cacherait un défenseur du territoire, un héros ethnique qui veille à assurer aux biens insulaires une destinée exclusivement corse, un combattant prêt à détruire ses propres richesses pour éviter qu’elles ne tombent dans les mains de l’ennemi. Son action équivaudrait à des principes qui inspiraient la mythique Terra di u cumunu (donc la liberté de prélèvement et de mouvement…) contre les vues monopolisatrices des nouveau venus.

La logique sportive comme incitation à la destruction du gibier

Ce phénomène mérite quelques considérations supplémentaires. N Elias et E Dunning, ont repéré dans l’idéologie sportive, qui s’est diffusé parallèlement aux règles du jeu parlementaire, un principe régulateur capable de freiner les incontinences ludiques de l’homme pré moderne. La chasse, telle qu’elle apparaît dans l’Angleterre du XVIIIe siècle (chasse stylisée, désintéressée,  « sportive ») est présentée comme un exemple du passage de la démesure d’autrefois à la sobriété d’aujourd’hui (de la violence  incontrôlée au respect pour les règles du jeu, l’autodiscipline, la modération).

En réalité, l’application de la logique sportive à une pratique traditionnelle, centrée, nous le répétons, moins sur la compétition entre les hommes que sur la confrontation homme/animal, finit ici par obtenir l’effet opposé, en déclenchant artificiellement une sorte de boulimie cynégétique qui oblige les partenaires à la surenchère.

Que l’esprit sportif appliqué à la chasse ait pour effet d’exacerber le braconnage, est un point de vue que même les organismes cynégétiques, quoique d’une façon hésitante, commencent à partager. Si en effet, dans la plupart des cas, le concept de « chasse sportive » est encore employé pour justifier et ennoblir le prélèvement, dans le bulletin n°XI de la Fédération Départementale des Chasseurs de Haute Corse nous pouvons lire :

« si la chasse, dans des temps reculés, était nécessaire à l’homme pour se nourrir et survivre, elle doit être considérée de nos jours comme un loisir, un délassement et non comme un sport. Je précise que dès qu’il s’agit d’un sport, il y a compétition, et de ce fait performance dans le tableau. Il nous faut donc, coûte que coûte, modérer nos prélèvements afin de laisser un maximum de géniteurs pour la saison suivante ».

Du maquis et des hommes

Bergers et chasseurs

Entre bergers et chasseurs, les conflits se multiplient. Le retrait de l’agriculture a libéré un vaste espace convoité par deux activités en quête permanente de terrains, et la lutte pour son appropriation tend à déterminer le rapport entre ces deux groupes d’utilisateurs du maquis.

Les bergers se plaignent des incursions fréquentes des chasseurs sur leur territoire, les accusent de repousser sans cesse leurs bornes, de ne plus connaître d’endroits protégés : « les chasseurs sont plus nombreux. Ils chassent davantage et ne connaissent plus ou ne respectent plus les limites ». Ce qu’ils redoutent le plus c’est la battue et son déploiement de force. Coups de feu, cris, aboiements dispersent les troupeaux. Et puis il arrive que des chiens perdus s’ensauvagent au point d’attaquer les bêtes. Alors parfois un berger excédé provoque la dispute.

Chasseurs et agriculteurs

Comme les bergers, les agriculteurs témoignent, vis-à-vis des « chasseurs modernes », d’une certaine animosité. Ils reprochent aux chasseurs un exercice trop intensif, mais surtout leurs intrusions sur le domaine agricole qui révèlent  « un manque de respect pour le travail »

et de rappeler un « avant » où la chasse se déployait autour des cultures, prête à intervenir pour protéger la vigne, le verger, le champ de céréales. Aucun lieu n’était interdit au chasseur, mais la circulation ou même la quête de gibier sur la culture se faisait avec le souci de ne pas occasionner de dégâts.

Chasseur, l’agriculteur l’était par force, pour protéger son bien. Mais il était aussi pour son plaisir.

5 avril 2005

Les évolutions L’instauration du permis On sait

Les évolutions

L’instauration du permis

On sait que la défaite des Corses, à la fin de la Guerre de Sampiero (1564-1569), a eu de considérables effets sur le gouvernement de la Sérénissime dans l’île.

Les élections de chasseurs

  -une politique génoise du port d’armes ?

La lecture des intentions de la Sérénissime apparaît désormais relativement claire. Elle est en fait comme intention corollaire de substituer aux anciens rapports qui faisaient encore la part trop belle aux féodaux et aux Caporaux, de nouvelles relations récompensent l’attachement direct des individus à l’Etat. Aussi les privilèges se trouvent ils désormais liés. Le plus généreusement octroyé parmi ceux-ci est la licence de détention ou de port d’armes, lequel a le grand avantage sur les autres (exemptions fiscales, places ou pensions), de ne rien coûter à la République. Or, qui dit privilège  pour certains, sous-entend par récurrence prohibition absolue pour les autres. Cette politique de gratification sera donc liée à la législation, qui se voudrait drastique, que les Génois essaient d’imposer dans l’île en matière de port d’armes.

En fait, le désarmement des populations restera à l’état de vœu pieux. Car, dans le même temps, la nécessité de défense de l’île s’agrandit. La Corse vit dans la crainte permanente des descentes turques. Celles-ci sont continuelles depuis les années 1530. Elles redoublent avec la « première prospérité d’Alger et les Guerres de Corse ». Les turcs y sont les alliés des Français, et utilisent l’île comme base de départ  pour leurs opérations. La guerre, de plus, a désorganisé les défenses et ruiné le pays. Une série de mauvaises années rend la vie encore plus précaire. D’ailleurs, à un moment  critique de la piraterie turque, c’est un faisceau de raisons que les habitants de Sisco et de Pietra Corbora mettent en  avant pour demander la construction de tours côtières aux autorités : « (les habitants de ces villages) ont subi de si graves dommages du fait de la guerre passée, et aussi des mauvaises années, qu’ils ne savent plus comment vivre, et de plus, les Turcs viennent quotidiennement à leurs maisons… ».La sécurité des populations aurait pu passer par une augmentation massive des effectifs génois. La Sérénissime s’y refusa pour des raisons à la fois politique et économique. Aussi est-elle réduite constamment à trouver des accommodements. Elle peut offrir dans un premier temps, nous l’avons vu, des ports d’armes aux ruraux ou urbains.

Dans certaines régions plus exposées, mais aussi plus évoluées économiquement, comme la Balagne ou le Cap Corse qui connaissent des razzias spectaculaires des les années 1560-1580, les maisons fortes sont rapidement rebâties et leurs possesseurs reçoivent dans le même temps des détentions souvent pour plusieurs armes. Mais même très généreusement distribués, ces permis sont trop longs à acquérir et leur nombre est notoirement insuffisant pour les besoins de l’île en matière de sécurité. Dès l’annonce de la fin du conflit et leur pardon obtenu, les communautés délèguent  leurs podestats ou leurs procurateurs chargés de réclamer, tout à la fois la clémence de la République et la détention d’un petit nombre d’arquebuses (armes). Les motifs invoqués peuvent se ranger dans deux catégories :

-         la chasse aux animaux sauvages, accusés de tuer du bétail ou de « causer des dommages à leur plantations » et la chasse au bétail errant,

-         la défense des communautés contre le péril turc.

Peu de temps après, le Sérénissime institutionnalise cette décision en répondant favorablement à une série de desiderata des Nobles XII, alors représentants des populations de toute l’île, parmi lesquels on trouve la demande d’armer une ou plusieurs personnes dans chaque communauté pour exterminer les bêtes sauvages et défendre les populations contre les Turcs. Ces demandes, aboutissent à un résultat identique : la création de chasseurs communautaires.

La politique de désarmement de la France

  L’ennemi de la chasse en Corse, c’est la politique de désarmement de Gêne puis de la France. La pratique de la chasse est en effet continuellement contrariée par les variations de la législation visant à réglementer la détention et le port de l’arme.

   Désarmer fut un souci constant pour les autorités. Ces gens qui ne renonçaient à une révolte que pour préparer la suivante, ou qui s’exterminaient en d’interminables « vendetta » devaient être privés d’armes. Il en allait de la sécurité publique et de l’autorité de l’Etat. Le voyageur de retour de l’île racontait que les hommes, là bas, se promenaient armés. Etaient-ils tous chasseurs ?

Remarquons que l’usage du port de l’arme persiste aujourd’hui, et que la question du désarmement n’est pas réglée puisque l’administration continue d’en faire un de ses objectifs.

Gênes puis la France travaillèrent donc, souvent en employant des moyens radicaux, à interdire ou du moins contrôler le port d’arme. Ainsi, en 1738, Gêne déclare : « dès lors que la législation de cet usage privé des armes est incompatible avec l’essence même de l’Etat, le fait de tolérer qu’ils les conservent, alors qu’ils continuent, après deux révoltes amnistiées, à indisposer leur maître, n’est pas contraire à l’objet essentiel et à la base fondamentale et durable de ces peuples à l’obéissance de leur prince.. »

En 1763, le chef de l’Etat corse indépendant, Pascal Paoli, doit lui-même se résoudre à interdire le port de l’arme dans les provinces de la Rocca.

En 1764, les Français, par la plume du Comte de Vaux, ordonnent  « la défense du port d’armes à feu en Corse sous peine de mort ».

En 1769, un autre édit ajoute à l’interdiction du port d’arme celle de la détention de toute arme de guerre comme de chasse. On est alors au plus fort de la guerre entre Corses et Français.

Sous l’empire, Morand instaure un permis de détention d’armes de chasse ; et par là, établit une distinction entre armes de guerre et armes de chasse. On peut considérer que le port de l’arme fut, et reste encore, un élément de définition de la norme de comportement masculin. Dans cette société où la violence était l’affaire de tous et de chacun, un homme valait un fusil. Vendetta, banditisme, rébellion, guerres internes et contre l’extérieur, la violence imposait comme règle le port de l’arme. Chacun avait ses ennemis, chaque famille pouvait être impliquée même indirectement dans une vendetta, et voyager désarmé c’était pour un homme se priver de la possibilité de défendre sa peau, de se « garder ». Ainsi, nombreux étaient ceux parmi les porteurs de fusil rencontrés par les voyageurs qui ne se préoccupaient guère de gibier mais qui simplement allaient à leurs affaires. L’honneur exige des hommes qu’ils soient armés. « Pendant longtemps, le fusil a été, et il est encore, pour la majorité des hommes, un objet, non pas de luxe mais de première nécessité ».

Les peines encourues

Les délits de chasse proprement dits sont généralement punis de prison, assortis parfois d’amendes, plus ou moins conséquentes, et bien souvent de la confiscation du fusil. Dans certains cas l’amende suffit à la punition. Généralement les peines n’excèdent pas deux mois d’emprisonnement.

Un document conservé aux archives départementales de la Corse du Sud mais presque illisible, revêt néanmoins une grande importance. Il date du 3 novembre 1866 et a été écrit à Bastia. Les premières lignes, presque entièrement effacées font état de la rareté du gibier et semblent souligner que la loi « n’a que de très faibles résultats ». Et il dénonce « la spéculation que l’on fait maintenant sur les produits de chasse », précisant que « l’on extirpe, à la fois, et les produits et les producteurs, au moyen d’engins meurtriers et terribles ».

Les animaux

Les purs et les croisés

On peut  affirmer que le sanglier est répandu dans toute la Corse, aussi bien en plaine qu’en altitude. Les seules régions où il semble exclu sont le pourtour immédiat des grosses agglomérations urbaines et les zones démaquisées de culture intensive (plaine Orientale essentiellement). On peut simplement estimer très prudemment que les 10 à 1 000 animaux abattus dans l’île pendant la saison de chasse 80-81 (Office National de la Chasse, 1982) représentent le tiers de la population globale, ce qui nous donnerait entre 30 et 33 000 sangliers, soit une densité moyenne de 3 à 5 animaux/100 ha…

La Corse, toutefois, présente un véritable exemple de flux génétique entre animaux domestiques et animaux sauvages…

Deux hypothèses peuvent êtres émises actuellement sur l’origine du sanglier corse :

a)       l’hypothèse du marronnage, déjà émise pour le mouflon (Ovis ammon musimon) par Poplin (1979), qui ferait des premier porcs domestiqués, importés lors du peuplement de l’île, les ancêtres de l’actuelle forme sauvage,

b)      l’hypothèse d’un peuplement original peut être d’origine pléistocène et dont les représentants actuels pourraient être regroupés dans la sous-espèce (Sus scrofa meridionalis), proposée par Major (1882).

Double pollution génétique et pression de chasse, telles sont les deux composantes de la menace qui pèse sur le sanglier corse. Son importance aussi bien biologique que cynégétique mérite qu’on s’attache, dès à présent à lui prévoir un avenir.

La mise à mort

  « Le sanglier ne reçut pas moins de vingt-six coups de fusil avant que les chaînes des paysans puissent s’approcher de lui ; quel spectacle magnifique ce fut ensuite de voir la bête traverser le ruisseau, portant un énorme chien, tandis que les autres s’agrippaient à ses flancs avec une féroce ténacité. Ils luttèrent longtemps dans une eau à présent rouge sang, le sanglier toujours en dessous, les chiens refusant de lâcher prise, comme le vieil homme de la mer agrippé aux épaules de Sinbad. »

Dans ce cas ci la violence peut-elle avoir raison ?  L’atteinte à l’homme sur ce spectacle de  « destruction » partielle ou totale lui est tenue pour lui comme objet en accord avec la raison. Ceci est de l’ordre de l’explosion, si l’on tient compte de la réalité du spectacle. Ici quelque chose se défait : on porte atteinte à l’intégrité physique de l’autre, en l’occurrence à un sanglier, on le frappe et le destin de cette violence est la mort, la destruction totale. La violence est posée par certains comme étant à l’origine et au principe du monde, comme moteur du devenir, pour que quelque chose soit, puisque rien ne naît de rien, quelque chose doit être nié, détruit…

Le partage de la viande

Les premiers gestes du chasseur sur le corps du sanglier ont pour but d’en expulser les substances. La viande du sanglier mâle est réputée forte ; on préférera une laie. Pour expulser le sauvage de la bête, on coupe d’abord les organes où il est produit, puis on répand le sang où il stagne, enfin on fait suer la viande où il se diffuse.

Grâce  à l’automobile, il est possible aujourd’hui de transporter la bête très vite au village et de procéder à la découpe et au partage en un endroit que l’on  aménage et où l’on prend ces habitudes.

La battue de Pâques

A Pâques on organise un peu partout une battue au sanglier. Mais d’une région à l’autre la chasse s’intègre de façon différente au rituel religieux. A Casalabriva  « la semaine Sainte nous chassions durant trois jours : le Jeudi, le Vendredi et le Samedi jusqu’à midi. Et après la chasse nous faisions un tir à la cible ». Ailleurs dans le Sud, on a noté que l’on chassait toute la semaine, en montagne. A Zonza et à Conca les chasseurs traquaient le mouflon de préférence au sanglier, et leur battue durait plusieurs jours.

A Ventiseri, au contraire, on ne devait pas chasser durant toute la semaine, jusqu’au Samedi. Ce jour là, à midi, lorsque les cloches sonnaient, annonçant la résurrection, on lâchait les chiens et la chasse commençait.

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5 avril 2005

Histoire de la chasse La chasse a une histoire,

Histoire de la chasse

  La chasse a une histoire, les animaux aussi. Certains ont disparu, le cerf par exemple, d’autres sont arrivés il y a peu.

  Parmi les chasses, toutes ne sont pas traditionnelles et certaines qui apparaissent comme telles sont en réalité d’origine récente.

Dans ce premier chapitre il est question de l’évolution et de la pratique de la chasse.

A l’origine était la chasse

  La relation qu’instaure la chasse entre l’homme et le monde animal s’enracine très loin dans le temps, aux origines prédatrices de notre espèce. Il importe donc de l’envisager depuis ces temps sans écriture qu’on qualifie de Préhistoire et que seule l’archéologie peut documenter.

Acquise dès avant  l’émergence de l’Homme moderne, l’insularité de la Corse a pesé et pèse fortement sur la chasse dans l’île en modifiant le peuplement animal, donc le gibier. C’est là sa principale originalité depuis la fin du Pléistocène (- 12 000 ans).

Les premiers chasseurs corses

  Les premières traces de chasseurs connues à ce jour en Corse et en Sardaigne remontent toutes à une période située entre 10 000 et 12 000 ans.

  En Sardaigne, un seul site témoigne de ces populations prénéolithiques.

En Corse, quatre ou cinq sites archéologiques permettent à ce jour d’évoquer cette phase initiale de la colonisation humaine de l’île. Comme en témoigne la célèbre sépulture de la « Dame de Bonifacio », conservée au Musée de Levie, ces groupes humains prénéolithiques enterraient leurs morts sur l’île.

Pour  l’instant on sait peu de choses de ces groupes de chasseurs. Ils ne fabriquaient pas de poteries, ni ne pratiquaient l’élevage ou l’agriculture.

Les techniques de chasse au Néolithique

Les techniques de poursuite et de capture du grand gibier (affût, battue…) et du petit (chasse, piégeage) qui ne laissent aucune trace matérielle enfouie dans le sol, restent pour l’essentiel hors de portée de l’archéologie. La découverte d’armatures de flèches en pierre fichées dans des os est informative, mais elle reste exceptionnelle, et aucun cas de ce genre n’a encore été répertorié en Corse. En revanche, l’archéologie apporte d’autres informations.

Comme partout en Europe occidentale, les premières armatures de flèches, au Néolithique ancien, étaient de petits éléments lithiques dont la partie pénétrante était constituée par un tranchant.

Dans le courant du IVe millénaire, avec les cultures du Néolithique moyen, les armatures tranchantes sont rapidement remplacées par des armatures perçantes et l’obsidienne d’origine sarde prend une plus large place. A ce moment, alors que la première industrie métallurgique corse (cuivre) est sur le point de naître, les armatures de flèche sont les pièces les plus soignées de l’industrie lithique. Les soins apportés au façonnage de ces pièces, révèle un perfectionnement de l’armement. La faible importance économique de la chasse à cette époque pourrait indiquer que cet armement n’a plus tant une fonction cynégétique que guerrière.

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Tpe sur la chasse en corse
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