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Tpe sur la chasse en corse
5 avril 2005

La chasse sur le plan naturel Ayant constaté à

La chasse sur le plan naturel

                                             

  Ayant constaté à leurs dépens que le discours écologiste tend à s’imposer comme discours dominant, les chasseurs, renonçant à s’y opposer, s’emploient plutôt à en envelopper leurs arguments.

La défense de leur activité menacée passe par une appropriation des définitions et catégories qui s’installent dans le sens commun désormais façonné par le discours écologiste. Ainsi, loin de contester la pertinence du discours de la protection, les chasseurs font leurs ses griefs.

La stratégie est celle de l’esquive : il s’agit de refuser la place dans la catégorie repoussoir des destructeurs qui leur y est réservée, et de détourner vers d’autres le doigt qui les désigne.

La responsabilité de la dégradation de l’environnement naturel revient, selon eux, à « la civilisation industrielle et urbaine », « dévoreuse d’espace et dévastatrice ».

  Au discours écologiste qui les installe dans un rôle de déprédateurs, les chasseurs opposent une division entre utilisateurs « naturels » de la nature – ruraux, producteurs, chasseurs – et un monde industriel et urbain dont la logique de développement induirait le rétrécissement et la pollution l’espace naturel. Et, face à la menace qui pèse sur le sauvage, ils en appellent à l’union : « si il n’y a jamais eu une époque ou la constitution d’un front commun d’agriculteurs, de forestiers, de pêcheurs, de chasseurs et d’autres protecteurs raisonnables de la nature et de la faune, était nécessaire, cette époque a maintenant débuté. On notera cette catégorie « autres protecteurs » à laquelle appartiennent sans doute les écologistes, et qui les identifie comme partenaires adjoints, dont la légitimité ne relèverait pas comme pour les autres catégories du droit naturel, de l’héritage.

A l’image d’une chasse destructrice, le discours des chasseurs oppose celle d’une chasse régulatrice, « élément naturel de la vie sauvage », participant à l’équilibre de l’écosystème.

Le chasseur est certes un prédateur, reconnaît-on,  mais il est, comme l’animal, un prédateur naturel, nécessaire à l’équilibre de la vie sauvage. Si il n’y avait pas la chasse, explique t-on, certaines espèces se reproduirait à un rythme excessif, au détriment d’autres espèces, mais aussi de l’agriculture, de la sylviculture et de la pisciculture. Le chasseur n’est donc pas cet intrus que dénoncent les écologistes, il appartient au monde sauvage. Ainsi la chasse peut être présentée comme « un instrument de protection de l’environnement », et le chasseur comme un occupant naturel indispensable des lieux.

« Chasser c’est naturel » devient le mot d’ordre. Le problème n’est plus, pour les responsables, comme aux premiers temps de la contestation écologiste, d’enjoindre les chasseurs à rationaliser leur pratique, à contrôler leur prélèvement, à gérer les ressources faunistiques ; il est d’imposer la définition d’une chasse écologique participant à la gestion scientifique de l’espace naturel.

  En même temps, de cet acte d’allégeance à l’autorité légitime incarnée dans la science, ils espèrent tirer le profit symbolique que l’on accorde d’ordinaire à ceux qui, après que la vérité leur a été révélée, rejoignent le droit chemin.

  Cette présentation de la chasse moderne ne convint pas les écologistes , qui font observer qu’entre la parole qui empreinte à l’écologie et les pratiques attestées, l’écart ne fait que croître. Et de s’interroger sur la sincérité de ce discours qui leur semble avoir pour fonction de masquer la réalité des pratiques et la faiblesse du travail de transformation : on est bien

loin, disent-ils, du « modèle écologique » puisqu’on est pas encore au « model rationnel » qui le précédait dans le discours officiel.

  L’enjeu de la lutte, c’est la maîtrise d’un territoire, considéré par les chasseurs comme propriété reçue en héritage. Les nouveaux usagers ruraux ou citadins de la nature revendiquent leur place dans cet espace, produisent de nouvelles définitions, de nouvelles pratiques qui viennent heurter celles des chasseurs, et engagent une lutte pour leur expulsion ou du moins leur cantonnement.

  Et le chasseur a beau réaffirmer son droit de propriété, il lui faut négocier, car le monde paysan qui fondait son pouvoir sur les lieux s’effondre. Et le système de pratique et de représentation dans lequel la chasse prenait sens, et qui fait que sa part et qui faisait de la part sauvage de la nature son bien propre, se dissout, tandis que d’autres représentations, d’autres usagers s’imposent. La nature devient aire de promenade, de jeu, terrain d’observation ; la faune devient capitale à préserver, l’ensemble prend le nom d’écosystème.

La définition même de cet espace échappe aux chasseurs, qui fait figure d’élément perturbateur d’un monde que l’on se représente comme le règne de l’équilibre et de l’harmonie.

  Le chasseur, menacé d’expulsion, doit travailler à recouvrir une légitimité, modifier sa pratique et son discours pour les rendre acceptables au regard des normes produites par un discours intégrant ces nouvelles définitions. Pour résister il lui faut recomposer au plus près des représentations dominantes d’une identité fabriqué à partir de priorités incontestables dans l’univers symbolique écologiste : le rappel de l’ancestralité de la chasse, le droit naturel qui confère l’origine et la résidence ne suffisent plus, « d’où la situation de contradiction d’une pratique obligée de se justifier selon des valeurs étrangères à sa logique : les chasseurs doivent intégrer dans les images d’eux même qu’ils donnent à l’extérieur et dans celles qu’ils intériorisent, les préoccupations de la gestion éclairée d’un patrimoine (prédation rationnelle, contemplation éclairée du spectacle de la nature…). Ces valeurs esthétiques du spectacle naturel et économie des ressources naturelles, sont profondément étrangères aux valeurs d’abord éthiques qui font le prix de la chasse populaire pour ses participants.

La chasse sur le plan traditionnel

  A l’opposition écologique s’ajoute celle de défense des animaux qui, affirmant un droit des bêtes pensé sur le model des droits des hommes, réclament la condamnation des actes de violence à leur égard.

  La préoccupation de ces mouvements est moins de contraindre la chasse à relâcher son emprise sur la nature, pour laisser place à d’autres modes d’appropriation et de gestion, que d’obtenir l’interdiction pur et simple de la chasse définie comme « légalisation de l’acte de tuer ». C’est au nom d’un principe moral qu’est exprimé la condamnation. Et la chasse n’est pas seule en cause, la tauromachie, les combats de coq, la vivisection, toutes les pratiques pour le profit ou le plaisir des hommes, impliquent ou mettent en scène la mort de l’animal sont rangés dans la catégorie du crime. Et ce que la morale oblige à réprouver, la loi, proclamant ces défenseurs des animaux, doit l’interdire.

  Le questionnement des sociétés sur le rapport aux animaux n’est pas nouveau, et bien des thèmes, développés par les mouvements de protection contemporains ont depuis longtemps fait l’objet de débats philosophiques et juridiques. Au 19e siècle existaient déjà des associations de protestation contre la vivisection. Au concours de l’Institut, en 1802, il était demandé si les mauvais traitements envers les animaux « intéressaient la morale publique » et « si il convenait de faire des lois à cet égard ». Valentin Pelosse, analysant les mémoires des candidats, met en évidence l’émergence d’un imaginaire social influencé par les Lumières, qui propose la représentation d’un animal comme êtres sensibles, que l’homme, sensible et éclairé, doit protéger des mauvais traitements.

  Sont condamnés les comportements violents des charretiers à l’égard des chevaux, l’horreur des abattoirs, les jeux cruels (combats de chiens et de coqs), la vivisection et, bien entendu, la chasse. « Car, peut-on, sans passer pour un barbare, trouver du plaisir à faire mourir un animal ? ». La chasse qui, sous le point de vue de fournir son moteur de gibier et de détruire les animaux malfaisants est un acte naturel et légitime, se change en barbarie dès qu’elle dégénère en passion. « Il ne devrait y avoir qu’une espèce de chasse qu’on rendit honorable, celle des bêtes féroces : elles sont en guerre contre la société, il est donc permis de la leur faire ». La condamnation morale des mauvais traitements envers les animaux, s’applique à la chasse, rangée dans cette catégorie dès lors qu’elle se détache de ses fonctions économiques – subsistance, protection – pour devenir activité dont on tire plaisir. « La légitimité du sacrifice animal, une fois la part faite aux déclarations conjuratoires, n’est pas remise en cause dans la mesure où elle est nécessaire à la survie physique de l’humanité. Ce qui est jugé condamnable, c’est le glissement hors du domaine de l’utile, la réapparition du cruel gratuit, spectaculaire. Le meurtre des bêtes doit devenir en quelque sorte invisible ». C’est en 1850, sous la seconde république,  qu’est votée la loi Grammont, première loi française réprimant les mauvais traitements exercés publiquement envers les animaux domestiques :

« article unique : seront punis d’une amende de 5 à 15 francs et pourront l’être d’un à cinq ans de prison ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques. La peine de prison sera toujours applicable en cas de récidive. L’article 483 du code pénale sera toujours applicable ».

  La cause des défenseurs des bêtes a-t-elle progressée au 20e siècle ? Désormais, le sens commun reprouve la violence à l’égard des animaux. Le discours dominant a intégré les définitions de protecteurs et surtout des activités aussi encrées dans la tradition que la chasse ou la tauromachie, sont l’objet d’attaques frontales de la part des mouvements organisés, suffisamment forts pour oser cette confrontation.

  Cette évolution reflète la transformation d’un rapport social sur les animaux autrefois établi sur la nécessité d’une utilisation intensive de nombreuses espèces à des fins de subsistance ou de labeur.

  Le rapport paysan aux bêtes supportait la représentation d’un animal, genre inférieur, voué à la domination et à l’exploitation, dont les mauvais traitements apparaissaient comme l’instrument et le signe. Le rapport était d’opposition, la rudesse des comportements marquait la distance irréductible entre les genres.

On considérait l’animal pour ce qu’il valait, ce qu’il procurait comme ressource, comme force de travail. Les espèces domestiques, qui souvent résidaient dans le même espace que l’homme, alentour de la maison, place, cave, étaient tenu à distance par des conduites, des gestes qui marquaient la séparation et la hiérarchie.

  L’enfant ou le chasseur entretenait avec le chien une relation de compagnonnage que cependant il convenait pour l’adulte de recouvrir pudiquement de signe de rudesse. Et cette relation particulière ne constituait pas le model sur lequel était réalisé le rapport banal et normal du genre animal.

  On tue aujourd’hui d’avantage d’animaux qu’autrefois, pourtant, cette réalité de la domination et de la mort n’existe plus dans le rapport à l’animal tel qu’il est représenté par le sens commun. Le model paysan fondé sur un principe de séparation anthropologique entre genres, laisse place à un model « civilisé » qui fait de l’animal un compagnon, un ami, un égal de l’homme. L’une des conditions d’élaboration et d’imposition de ce model est le rejet hors société des lieux où s’exerce la violence de l’homme au dépend des bêtes. Hors de vue,

hors discours, la mort socialement nécessaire de l’animal est expulsée du champ du rapport social au genre, et c’est dans l’ignorance résultant de ce travail que peut exister le discours d’opposition aux formes secondaires mais spectaculaires de la domination de l’animal. Car ce qui est en cause dans le discours des protecteurs, ce n’est pas l’exploitation et la mort des bêtes, c’est sa vision, plus encore, son spectacle, et s’est aussi qu’elle puisse procurer du plaisir. La mort donnée par la chasse est de l’ordre du plaisir, du rituel ; de la production de sens. Celle des abattoirs est silencieuse : confié à la rationalité scientifique, elle disparaît sans laisser de sens.

  L’abolition de la frontière entre genres produit l’indifférenciation. Les animaux de compagnie sont bien souvent des membres à part entière de la famille. Ils forment une nouvelle catégorie du genre humain et ceux qui ne peuvent rentrer chez l’homme sont renvoyés à un monde naturel, idéalisé, placé sous la protection éclairée des meilleurs d’entre les humains. D’ailleurs la qualité d’homme doit se prouver dans la relation à l’animal.

Celui qui n’aime pas les bêtes n’aime pas les hommes, affirme le protecteur. L’animal est représenté comme un être sans défense, à la merci de la puissance destructrice de l’homme.

  La seule raison légitime que concède à la chasse le discours des amis des bêtes est la nécessité de se nourrir. La mort de l’animal ne peut trouver justification que dans l’obligation pour l’espèce humaine d’assurer sa survie. Mais puisque le temps où elle était nécessaire à la subsistance est révolue, la chasse n’a plus de raison, et la concession se transforme en une condamnation redoublée des chasseurs moderne. Si la chasse, c’est « tuer pour se nourrir », pourquoi continuer de chasser dans un temps d’abondance de bien ? Et les chasseurs, qui ont accepté cette définition d’une chasse utile « acte biologique » sont sans réponse et se voit se diriger vers des divans de psychanalystes. Si l’on ne tue plus pour manger, pour quel motif obscur continue-t-on à tirer sur les animaux ?.

  Or pour dire la chasse, il faut dire le plaisir de tuer. Et, comment dans un champ de représentation de dominer par cette idéologie de protection qui fait condamner la chasse par la morale, revendiquer le plaisir de tuer ? Les chasseurs n’ont pas de mots. Alors ils biaisent, cherchant de tous cotés des explications valables à leur activité : Ils invoquent la nature, les petits matins brumeux… mais la question revient avec plus d’insistance encore à mesure que ces raisons sont balayées. Pourquoi tuer ? Ne peut-on pas goûter aux plaisirs de la nature sans fusil ?.

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